Interview de Roy Khan, chanteur de Kamelot
Article paru dans le fanzine Noise, consacré au metal
  Qu'avez vous fait depuis The Fourth Legacy ?

On a commencé à écrire des morceaux pour Karma avant même que The Fourth Legacy soit commercialisé. On a fait une tournée au printemps dernier, qui a engendré un album live, The Expedition. Puis on a commencé la production de Karma en novembre 2000, qui été très longue. La plupart de notre temps a donc été consacré à notre dernier album.

Comme pour The Fourth Legacy, vous êtes de nouveau produits par Sascha Paeth et Miro. Qu'ont-ils apporté à votre musique et comment s'est passé l'enregistrement de l'album ?

Il est évident que quand j'ai intégré Kamelot, il y a eu un changement dans le son et le style musical du groupe. A partir de The Fourth Legacy, j'ai pleinement participé à l'écriture des morceaux. De plus, Sascha et Miro ont apporté des éléments nouveaux et très importants à nos deux derniers albums -particulièrement Miro, qui s'est chargé de tous les claviers et arrangements orchestraux (cordes), et qui est souvent considéré comme le cinquième membre du groupe. En fait on peut voir la contribution de Sascha et Miro ainsi : on leur donne un diamant brut, et ils le font briller. On a eu beaucoup de chance de travailler avec Sascha et Miro, et avec toutes les personnes qui les assistent au Gate Studio de Wolfsburg en Allemagne.

Auparavant Kamelot était plutôt un groupe de prog metal, et maintenant il s'agit davantage d'un groupe de heavy. Est-ce que ça vient des producteurs ?

Non, car le style de l'album est essentiellement défini pendant le processus d'écriture. Donc Sascha et Miro n'affectent pas vraiment les chansons en elles-mêmes. Mais le son global et l'atmosphère de l'album sont partiellement le résultat du travail de Sacha et Miro.

La musique de Kamelot est un melting-pot d'ambiances et de styles très différents. Quel genre de musique les membres du groupe apprécient-ils ?

En ce moment, en tant que compositeur et interprète, il est très important pour moi de ne pas écouter que du métal - et c'est aussi valable pour notre guitariste Thomas Youngblood. En réalité, nous n'écoutons pas beaucoup de métal, car nous préférons puiser notre inspiration dans d'autres styles de musiques. Si nous nous limitions à écouter la musique actuelle et les groupes du même genre que nous, nous ne ferions que reproduire ce qui a été fait auparavant. On essaie de trouver des idées un peu partout, en veillant à ce que cela s'intègre bien au style de musique que nous jouons. Certains de nos morceaux sont assez libres, expérimentaux, on est un peu prog metal... On a aussi des sonorités issues de la pop, du new age, de la musique irlandaise, orientale, arabe, classique... Mais nous sommes également un mélange entre le métal américain et le métal européen... Tout cela forme notre style.

Dans ce nouvel album il y a de nouvelles influences comme la musique électronique et la musique ethnique. Qui a eu l'idée de les intégrer ?


Thomas et moi nous occupons de toute l'écriture. Quand on écrit des chansons, on veut placer l'auditeur dans une certaine situation atmosphérique, c'est quelque chose à quoi nous pensons dès le début de la composition d'un morceau. Bien sûr, Sascha, Miro et les autres membres du groupe ont aussi leur mot à dire.

Est-ce que vous comptez développer ces influences dans le futur ?

La musique électronique est quelque chose que nous devons manier avec beaucoup de prudence. Je n'apprécie guère le mélange entre musique électronique et musique organique, spécialement dans le métal. Il y a tant de groupes américains contemporains qui adoptent ce genre de démarche... Nous tenons absolument à ne pas perdre de vue notre genre. C'est très important. Peut-être les influences principales sur cet album proviennent-elles surtout de groupes que nous écoutions quand nous étions jeunes : Queensrÿche...

De quoi parlent les paroles ?

Elles abordent des questions universelles sur la vie et la mort. C'est très classique, beaucoup de gens en ont parlé avant nous et beaucoup d'autres en parleront après... La raison pour laquelle j'ai voulu évoquer ces thèmes est que l'année dernière, mon meilleur ami a eu une crise cardiaque à l'âge de 28 ans. C'était la première fois dans ma vie que je voyais quelqu'un de proche mourir ou être tout près de la mort. Cela m'a fait réfléchir sur ma propre vie, sur mon but dans l'existence, et sur la mort, ce genre de grandes questions. Cela a donné lieu à des discussions entre moi et Thomas, et on a débattu sur le sujet suivant : qu'importe ce que tu as fait dans ta vie, de toute façon tu vas mourir à la fin. On n'a pas trouvé de réponse définitive bien sûr, mais on est arrivés à la conclusion qu'on doit forcément choisir un camp, le bien ou le mal, et qu'on doit sentir, dans notre cœur, ce qu'il est bon de faire de notre vie.

Il y a aussi un morceau en trois parties sur Elisabeth Bathory. Qu'est-ce qui vous a intéressé chez elle ?

En cherchant sur le Net de la doc sur le Moyen-Age, Thomas est tombé sur une page sur elle. Bien sûr on connaissait déjà le personnage, mais cela nous a donné l'idée de faire un mini-concept à l'intérieur de l'album. Son histoire est complètement horrible, et elle est réelle. Beaucoup de groupes en ont parlé avant nous : Cradle of filth avec son Cruelty and the beast, Venom avec son morceau The Blood Countess, le groupe Bathory bien sûr... C'est presque devenu, plus ou moins, une sorte de classique.

Qu'attendez-vous de ce nouvel album ?

Tout (rires). Il y a eu beaucoup de changements récemment. Nous avons beaucoup de soutien désormais. En France, par exemple, on travaille avec Olivier Garnier, NTS et BMG. Comparé à nos précédents album, c'est une toute autre histoire... C'est la même chose au Japon, où Noise n'existe plus et a été racheté par Frontier Records. Etre signé chez ce label signifie énormément. On est sur le même label qu'Iron Maiden, Judas Priest, qui sont les gros dinosaures des années 80. Le siège veut faire de Kamelot une priorité pour cette année, donc on a vraiment de très hautes attentes.

Le genre de musique que vous jouez n'est pas très populaire aux Etats-Unis, mais a beaucoup plus de succès en Europe. Selon vous, d'où cela vient-il ?

Comme chacun sait, aux Etats-Unis, il faut combattre cette énorme, énorme machine commerciale, si puissante. Les Etats-Unis sont un très grand pays, donc tourner est extrêmement cher, et c'est un processus très lent et très long. Mais je suis persuadé que cette espèce de revival du métal auquel nous avons pu assister ces cinq dernières années est quelque chose à quoi tout le monde devrait faire attention, car cela devient vraiment gros. Même aux Etats-Unis : Columbia, qui est la plus grosse compagnie de vente par Internet, a ouvert une section métal eighties qui est très prometteuse.

Donc vous êtes optimiste pour l'avenir ?

Extrêmement optimiste. C'est fantastique de faire partie d'un groupe comme Kamelot, d'être sur le front, aux premières loges de ce retour du métal. A ce niveau de ma carrière, je suis vraiment heureux. Je suis également impatient de jouer en France. La tournée en est au stade de projet. On va peut-être jouer en tête d'affiche, ou avec un gros groupe... Tout ce que je sais c'est que la maison de disques négocie actuellement pour une tournée en automne.