Blacksite : Area 51 Article paru dans le n°1 de Virus - décembre 2007 |
|||||||||||
Diantre ! Derrière les aliens gigantesques et les explosions démesurées de Blacksite se cache une vraie critique de la guerre en Irak. Une première. 2007, année 0 du jeu vidéo grand public engagé ? Sans doute. Jusqu'à présent, seuls des concepteurs indépendants issus d'Internet ont abordé frontalement des problèmes politiques ou sociaux (voir le site Watercoolergames). Blacksite inaugure une autre époque : cette spectaculaire superproduction attire le chaland avec de gros aliens pour mieux évoquer des événements actuels. Le héros, clairement décrit par son ennemi comme le défenseur d'un système militaire corrompu, affronte des super soldats insurgés, les Revenants, qui envahissent et ravagent les Etats-Unis. Mais ceux-ci s'avèrent... Américains et engendrés par de terribles expérimentations de leur propre armée en Irak ! "Vous pensez qu'on récolte ce qu'on a semé ?", lance un soldat au héros. Blacksite répond par l'affirmative et suggère que la politique étrangère des Etats-Unis contribue à créer ou renforcer des montres. Les faits lui donnent raison : dans les années 80, les USA ont apporté un soutien matériel et politique à Saddam Hussein et Oussama Ben Laden pour lutter respectivement contre la révolution islamique iranienne et l'Union Soviétique. Et les Revenants de Blacksite, trahis par leur pays, entrent aussi en résonance avec un débat vigoureux outre-Atlantique : quels sont les liens entre les maladies contractées par les vétérans de la Guerre du Golfe et l'utilisation par les forces américaines et britanniques de munitions antichars constituées d'uranium appauvri ? Cette
volonté d'ancrer l'action dans le réel, ce sentiment de
vérité imprègnent le jeu entier. Une gestuelle
et des expressions faciales sophistiquées, des dialogues souvent
corrosifs, bien écrits et interprétés avec conviction,
humanisent les compagnons du héros. Le rythme sait installer
doucement une atmosphère puis s'accélérer brusquement.
Les belles accalmies mettent ainsi en valeur les morceaux de bravoure,
comme cet assaut en hélicoptère contre une immense pieuvre
accrochée à un pont dans un canyon. Le réalisme
hypertrophié des détails visuels impressionne et démultiplie
la nervosité des fusillades : ciel orangé où les
rayons de soleil percent les nuages en un effet dramatique, grains de
poussière flottant dans la lumière, décors partiellement
destructibles dont les débris volent en tous sens, énorme
créature qui surgit du sol au ralenti dans une onde de choc balayant
les voitures et bâtiments alentour... |
|||||||||||