Chibi Robo !
Article paru dans le Libération - "Ecrans" du 17 juin 2006
 

L
e souci du détail, la qualité de la finition, le perfectionnement inlassable d'un même concept au fil des années : autant de traits caractéristiques des grands studios japonais. Développé par Skip et supervisé par Nintendo, Chibi Robo incarne pleinement cette délicatesse d'exécution. Ce jeu d'aventure et d'action en 3D met en scène un adorable robot domestique de dix centimètres de hauteur, offert par un père de famille à sa fille. Son but : aider les nombreux personnages qu'il rencontre. En accumulant de l'autonomie, des outils, des costumes, des matériaux ou du temps, le petit héros peut graduellement explorer chaque parcelle de la maison.

Chercher un objet défini et retracer le chemin qui y mène en observant l'environnement et la carte, sauter d'une plateforme à une autre sans tomber, utiliser un ustensile au moment adéquat, tirer sur des ennemis robots, activer des portes ou mécanismes… Des actions banales, effectuées des milliers de fois par n'importe quel joueur familier du genre. Pourtant, dans Chibi Robo, elles se transfigurent souvent en mini-expériences sensorielles, rendues étonnamment réjouissantes et fraîches par le soin apporté à l'animation, au système de contrôle, au graphisme, et surtout au design sonore. A chaque type de mouvement opéré ou de surface foulée correspondent des mélodies et instruments particuliers, qui se déclenchent puis s'arrêtent en cadence. Air de guitare sèche lorsque Chibi nettoie le sol avec une brosse à dents, notes de xylophone associées à ses pas quand il marche sur du carrelage, savoureuse musique électro qui s'accélère lorsqu'il avance rapidement… Chibi Robo rappelle que, parfois, les mécanismes d'un jeu vidéo sont moins importants que la façon dont ils sont présentés.

Excessivement mignon et enfantin, Chibi Robo révèle toutefois, très vite, des tonalités plus douces-amères, plus réalistes. Le jeu s'approche discrètement de la chronique sociale, sans se prendre au sérieux. Peu à peu, en découvrant chaque pièce de la maison aux différents moments de la journée (les séquences diurnes et nocturnes se succèdent toutes les dix minutes environ), le petit héros comprend la nature des relations entre les personnages, et leurs soucis quotidiens. La mère refuse l'accès de la chambre conjugale à son mari - un chômeur « adulescent » et oisif qui ne cesse d'acheter des babioles -, la petite fille, mutique et constamment vêtue d'un costume de grenouille, s'assied dans un coin en pleurant après avoir entendu ses parents se disputer, des factures impayées traînent sur les meubles… Et, comme dans Toy Story, des jouets et des animaux habitent la demeure : une grenouille déshydratée se meurt dans le jardin, un Justicier bidon - façon Buzz l'éclair ou Bioman - patrouille dans le salon, une momie moisie n'ose déclarer sa flamme à une belle poupée… Leurs problèmes touchants ou ridicules, que Chibi résout librement, confèrent rythme et variété à une aventure fatalement moins ample qu'un Zelda, mais remarquable par sa précision et son humanité.