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Si
le jeu vidéo était un être humain...
C'est un gars
sympa, populaire, la quarantaine. Il est né d'un père américain
(Atari) et d'une mère japonaise (Nintendo). Beaucoup de gens se
sont sentis écoutés en discutant avec lui pour la première
fois. Oh, ce n’est pas un gars facile à comprendre. Ceux
qui le connaissent bien apprécient ses qualités et son originalité
; les autres sont intimidés par son apparente aridité émotionnelle,
ses gestes souvent rustres, frénétiques, un peu effrayants,
son côté mauvais garçon, ses fréquentations
louches (animation japonaise, BD, jeu de rôle…). C'est
un gars pétri de contradictions. Blagueur (Monkey Island, Earthworm
Jim, Conker's Bad Fur Day), attaché à ses deux terres
nourricières (Far East of Eden, GTA), contemplatif (Zelda, Shenmue),
conteur de talent (Final Fantasy 6), il adore faire peur, à la
faveur d'outils diversement sophistiqués (Resident Evil, Silent
Hill, Alien vs Predator). Par-dessus tout, avec sa superbe voiture décapotable,
infailliblement conçue et fabriquée (F-Zero, Sin and Punishment,
Frequency), il excelle à procurer à ses amis d'extatiques
poussées d'adrénaline.
Oh
bien sûr, il est puéril, inconséquent, très
bagarreur, vénal, ambivalent. Mais la griserie, la fièvre,
l'excitation qu'on ressent en sa compagnie sont sans égales.
Et étonnamment, il ne manque pas de fond. Avec l’âge,
il a développé une conscience morale, politique et sociale
(Deus Ex, Star Wars : Knights of the old republic). Il a réfléchi
sur lui-même (Metal Gear Solid 2) et s'est auto-parodié
(Conker, Rayman 3). Il lui est même arrivé de discuter
d'environnement, de spiritualité (Final Fantasy 7), de religion
(Xenosaga). Peu de gens ont prêté attention à ses
velléités intello, un peu noyées dans son flot
ininterrompu de paroles. Ca l'a un peu découragé. Néanmoins,
notre homme est un têtu. Bien qu'il soit souvent méprisé,
incompris, voire violemment attaqué, il continue de croire en
son potentiel (Half-Life 2, Fable, Unity, Deus Ex 2, BC, Project BG&E).
Et
il a raison : il est plutôt doué. Infographie, animation,
architecture, musique, conception d'interfaces, programmation, intelligence
artificielle, écriture de scénarii… Partout il s'est
illustré. Il a même réussi, assez fréquemment,
à interconnecter ces différentes techniques pour construire
des œuvres complètement uniques et sublimement cohérentes
(Zelda : Majora's Mask, Halo, Metroid Prime). Malgré son succès
en tant que business-man et créateur, il demeure complexé
par la réussite de ses aînés (cinéma, littérature),
reconnus et expérimentés, et il ne cesse de prendre exemple
sur eux. Sa personnalité en a parfois souffert.
Ce
gars-là, tous les lecteurs et lectrices de Gaming l’apprécient.
C'est le jeu vidéo. Tenons-nous là le dixième art
? Probablement. S'agit-il d'un objet esthétique digne d'être
analysé ? Indéniablement. PRESS ST[ART] tentera, chaque
mois, de montrer que le jeu vidéo est certes d'abord un moyen
de faire mumuse, mais aussi, sporadiquement, une nouvelle manière
d’infuser des émotions, des idées et des impressions
de beauté dans les esprits de millions de personnes. |
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