Courrier des lecteurs
Article paru dans les n°94 à 96 de JeuxVidéo Magazine - septembre, octobre et novembre 2008
 



Emerveillement
C'est l'histoire d'un adolescent. Comme de nombreux autres, il a eu une période intensément jeu vidéo où Noëls, anniversaires et argent de poche nourrissaient cette humble industrie. Mais depuis un certain temps, notre jeune homme dépense de moins en moins dans ce loisir. Lorsqu'il range ses placards et qu'il dépoussière sa N64, il se dit que la période où chaque jeu l'émerveillait et restait gravé à jamais dans sa mémoire est bien finie... Et puis un jour, il décide de profiter d'un bon d'achat chez son revendeur habituel et son attention se porte sur les jeux DS, seuls symboles selon lui de l'originalité du monde de la manette. Une heure de réflexion le fait passer à la caisse avec le nouveau Guitar Hero : On Tour. Installé dans son canapé, il découvre alors une merveille de fun et de renouveau. Il se dit alors que tout n'est pas perdu, et que le jeu vidéo a encore énormément à lui offrir.  
- Le Troll -

Hé oui. Quoi qu'on en dise, l'innovation n'est pas morte. En dehors des nouvelles interfaces, dont vous soulignez à juste titre l'importance, le jeu vidéo explore des registres de plus en plus variés. Par exemple, les "casual games" -destinés aux joueurs occasionnels- continuent de se multiplier, notamment sur PC, mobiles, DS et Wii. Les "serious games" -à l’objectif autre que le divertissement- essaiment, surtout sur Internet (voir Watercoolergames.com). Et les jeux "indépendants" -façonnés en dehors de toute contrainte par des auteurs isolés- prolifèrent depuis le début des années 2000 (voir Tigsource.com). On vous recommande d'ailleurs l'un d'entre eux : Braid, disponible en ligne depuis août sur le Xbox Live Arcade (voir photo). Ce jeu de plateforme mélancolique, fondé sur la manipulation du temps, est un casse-tête ludique et narratif aux mécanismes lumineux. Sa densité et son intelligence rivalisent avec les meilleurs jeux Nintendo et vous émerveilleront sûrement ^^




WoWholique
Bonjour, je m'appelle Louis et je suis ex WoWholique. Ca fait un mois que je n'ai plus touché à World of Warcraft, je redécouvre les plaisirs de la vie et je peux de nouveau lire JVM avec de l'intérêt pour les autres jeux. Je tiens à mettre en garde tous les nouveaux joueurs : WoW n'est pas un jeu mais une drogue, il nous rend accro grâce à des pseudo-relations entre joueurs et surtout bousille la vie privée. En espérant que ce petit témoignage aura permis d'éviter des catastrophes ^^
- Louis -

Votre lettre corrobore les critiques sévères du game designer Jonathan Blow à l'égard de WoW, que nous avions déjà relayées dans cette rubrique (n°92). Aussi répétitifs et abrutissants que la plupart des jeux d'action, WoW et beaucoup d'autres MMORPG ont ceci de dangereux qu'ils absorbent, en plus, un temps énorme. Normal : ils n'ont pas de fin ! Blizzard, développeur de WoW, exerce donc une influence considérable -et souvent néfaste- sur la vie des dix millions de personnes qui arpentent le monde d'Azeroth. "Comment Mère Teresa, Gandhi ou Einstein sont-ils devenus qui ils sont ? Pas en jouant à WoW, en tout cas", plaisante Blow.




Master Chief plus fort que Johnny Depp et Madonna ?
Je lis partout, depuis peu, que les ventes du jeu vidéo ont dépassé celles du DVD et de la musique. On peut même sentir une certaine fierté de la part des spécialistes. Je ne voudrais pas jouer les rabat-joies, mais ça me semble relativement logique. La baisse des ventes de DVD peut s'expliquer par l'arrivée du Blu-ray, qui pousse les consommateurs à attendre une baisse de prix pour investir dans cette nouvelle technologie. Et puis ne nous leurrons pas, la musique et les films souffrent avant tout d'un piratage exacerbé par un accès ultra-facilité. Or, il est bien plus compliqué de lire un jeu téléchargé sur les consoles de salon, voire impossible pour le moment (sur PS3). Par ailleurs, la Wii et la DS ont énormément élargi le marché. Enfin, le coût des jeux étant bien supérieur à celui d'un DVD ou d'un CD, ils rapportent naturellement davantage d'argent. Inutile de rêver donc : les cinéphiles et les mélomanes seront toujours plus nombreux que les amateurs de jeux vidéo.
- Théo -

En effet, il ne faut pas confondre les ventes en volume (le nombre de jeux vendus) et les ventes en valeur (le chiffre d'affaires généré). Et il est évident que le jeu vidéo touche aujourd'hui moins de personnes dans le monde que le cinéma et la musique. D'autant que ces derniers usent de moyens de diffusion variés : salles de cinéma ou de concert, télé ou radio, CD ou DVD, lieux publics... Ceci dit, en termes de ventes pures, l'album le plus populaire aux Etats-Unis en 2007 ne dépassait pas 3,7 millions d'exemplaires, le plus gros succès cinéma accumulait environ 40 millions d'entrées (300 millions de dollars de recettes, divisées par le prix moyen d'un ticket qui est de 6.88 $), et le triomphal Halo 3 atteignait 4.8 millions d'unités. N'oublions pas, cependant, les nombreux joueurs occasionnels non comptabilisés qui multiplient quotidiennement les parties de solitaire ou de jeux Web gratuits, par exemple...




Tuer n'est pas jouer
Récemment, je zappe sur une chaîne-info de la TNT et oh, miracle, un reportage dédié aux jeux vidéo ! Ma joie est de courte durée car une fois de plus, c'est de la violence de GTA IV qu'il est question. En France, un mineur, après avoir mis le feu à deux voitures, s'est justifié en disant vouloir imiter le jeu. Je vous laisse imaginer la suite du reportage, affirmant que le jeu vidéo et notamment la série des GTA, c'est mal...
- Krisko -


Cette année, six adolescents ayant volé, frappé ou menacé plusieurs personnes à New York, et un garçon de 18 ans ayant tué un chauffeur de taxi en Thaïlande, ont également déclaré s'être inspirés de GTA à la police... Bien sûr, l'excuse est idiote, mais cela ne doit pas empêcher l'industrie du jeu vidéo de se livrer à une auto-critique. L'usage de la violence dans les jeux, bien que plus réfléchi que par le passé, s'avère encore souvent complaisant. Par exemple, comment expliquer, dans un jeu supposément "historique" et sobre comme Brothers in Arms : Hell's Highway, la présence de zooms et de ralentis de mauvais goût sur les ennemis tués à distance d'une balle dans la tête ? On peut également condamner la manière dont le marketing souligne la violence des jeux pour en augmenter les ventes : n'oublions pas que c'est l'éditeur de GTA lui-même qui a volontairement provoqué le scandale en Angleterre à la sortie du premier épisode, en informant les médias du contenu du jeu par l'intermédiaire de Max Clifford, maître sulfureux des relations publiques.

Plus largement, on peut déplorer que des superproductions comme Call of Duty 4 ne profitent pas du large impact qu'elles génèrent sur des millions de joueurs pour aborder des thèmes plus originaux et provocateurs, à l'image des meilleurs films et séries TV hollywoodiens (de Syriana à 24H chrono). D'ailleurs, paradoxalement, en décriant GTA IV, les médias généralistes s'attaquent à l'un des jeux les plus intelligents de ces dernières années. Un jeu où la vengeance s'avère inutile, où les crimes finissent par engendrer des conséquences, où les cibles peuvent régulièrement être épargnées et où le choix des personnages à tuer ne manque pas de sens... Un jeu, surtout, qui caricature avec mordant la société américaine : candidats à la Mairie qui s'insultent via des publicités calomnieuses, satires de radios, sites et chaînes ultra conservateurs, documentaire grinçant qui raconte la création de "Liberty City" (Indiens massacrés, Noirs lynchés, émeutes...), etc.




Comment devenir le nouveau Miyamoto
J'ai 14 ans, j'adore les jeux vidéo et j'envisage une carrière dans ce milieu. Quelles études poursuivre ?
- Victor -

Tout dépend du métier qui vous intéresse : chef de projet, game designer, level designer, programmeur, artiste, animateur, musicien, sound designer, testeur... ? Si c'est la supervision ou la conception qui vous intéressent, voici quelques informations. D'abord, sachez que sept écoles ou formations universitaires spécialisées dans la création de jeux (chef de projet ou game designer) existent aujourd'hui en France : l'ENJMIN à Angoulême, SupInfogame à Valenciennes, Isart Digital à Paris, LISAA à Paris, Crea Jeux à Nîmes, Gamagora à Lyon et le DU Jeux Vidéo de Nice. Pour plus de détails, renseignez-vous sur les sites Web. Toutefois, une formation n'est pas nécessaire : de nombreux créateurs de jeux sont autodidactes. Dans tous les cas, suivez ces conseils : développez une culture jeu vidéo encyclopédique. Apprenez à analyser précisément le game design de n'importe quel jeu. Créez des "mods" ou des levels avec des éditeurs de niveaux (ceux de Far Cry sur PC ou de LittleBigPlanet sur PS3, par exemple). Et concevez des jeux avec des logiciels dédiés (récapitulatif sur Ambrosine.com/resource.html). Bonne chance !