Courrier des lecteurs
Articles parus dans les n°97 et 98 de JeuxVidéo Magazine - décembre 2008 et Noël 2008
 



Le grand public va-t-il tuer le jeu vidéo ?
Je viens de voir ce qui est au bas mot le sixième reportage de TF1 sur la Wii en quelques mois. On a donc encore eu droit à « la Wii renforce le physique », « la Wii stimule les neurones » et « la Wii met les adultes au jeu vidéo ». Après des générations de joueurs stigmatisés pour avoir eu un pad ou un clavier entre les mains, on encense des personnes qui sont obligées de se mettre devant un écran pour faire du sport, réfléchir ou encore faire la cuisine ! Et après c’est nous les nolife ? Je ne pense pas que les nouveaux joueurs d’aujourd’hui seront les gamers de demain, ni que ce nouveau phénomène de société sera bénéfique à notre passion. Comme on peut déjà le constater, le nombre de jeux à faible difficulté et de moyenne qualité augmente de jour en jour, les éditeurs préférant consacrer plus d’argent au marketing qu’à la création. Je ne veux pas d’un monde virtuel où l’entraînement cérébral aura remplacé le RPG, où World of Warcraft sera évincé par le dernier coach virtuel à la mode et où les scénarii à la MGS deviendront aussi denses qu’une recette de cuisine !
- Flavien -

JVM a déjà souligné les limites de la manette et de la ludothèque Wii. Mais rien n'indique que le jeu vidéo "traditionnel" soit menacé par l'élargissement du marché. Les jeux immersifs et ambitieux séduisent encore un public énorme. Bioshock : plus de 2 millions d'exemplaires vendus ; Metal Gear Solid 4 : 4 ; Halo 3 : 8 ; Call of Duty 4 ou GTA IV : 10 ! Et le succès des récents Fallout 3, Fable 2, Dead Space ou Mirror's Edge semble assuré. Le "casual" ne tuera donc pas le "hardcore". Au contraire, un éditeur comme Ubisoft respire encore mieux financièrement grâce aux jeux "casual" qu'il produit. Ce qui lui permet, par exemple, de décaler la sortie d'un jeu "hardcore" comme Splinter Cell : Conviction jusqu'à en être satisfait. Pour l'instant, l'influence du "casual" sur les jeux "hardcore" se révèle même plutôt bénéfique. En voulant créer des titres plus accessibles, les game designers pensent davantage au confort des joueurs et améliorent le gameplay en fonction de leurs réactions. Ils se débarrassent ainsi des pires travers des jeux des années 80 et 90 : difficulté aberrante, système de contrôle inutilement complexe, interfaces absconses... Et en vue de toucher un public plus important, certains game designers, de David Cage (Heavy Rain) à Dan Houser (GTA IV), consacrent plus d'efforts au scénario, à la direction artistique, aux émotions et thèmes communiqués... On ne peut que s'en réjouir.




Max peine
Max Payne, le film, ou comment faire un max de peine… aux fans. Première erreur : le casting. Mark Wahlberg en Max Payne, comme dirait l’autre : "Ah la boulette !". Avouez qu’il y a plus crédible que lui : d’autres acteurs possédaient un physique et un jeu plus proche du personnage d’origine. Sans parler des rôles secondaires : nous avons le Fernando Sucre de Prison Break, l’ex-maman du docteur Grey de Grey’s Anatomy... Mais le plus drôle est le personnage du flic des affaires internes, majestueusement interprété par Ludacris, rappeur à ses heures perdues et parfois acteur, par exemple dans Fast and Furious 2. Bref, grosse déception. Point positif : ils ont respecté les décors et la mise en scène. Dommage que l'histoire n’ait, elle, rien à voir du tout avec celle du jeu... Du coup, je me pose une question : pourquoi les producteurs n’ont-ils pas engagé les scénaristes du jeu ?
- Daniel -

La réponse est simple : selon Scott Miller (producteur du premier Max Payne), l'éditeur Rockstar Games, après avoir acheté les droits du jeu à 3D Realms, a tenté plusieurs fois de mettre un terme à ce projet de film, y compris en utilisant des moyens juridiques. Jusqu'à présent, les dirigeants de Rockstar ont en effet rejeté toutes les propositions d'adaptations cinématographiques de leurs jeux (GTA inclus). Selon Miller, Rockstar a même refusé de transmettre du matériel qui aurait aidé à la pré-production du long-métrage. Dans ces conditions, comment s'étonner que les créateurs du jeu n'aient pas participé à l'écriture du film ? Scott Miller lui-même a publiquement critiqué les personnages et le scénario de cette adaptation... avant de se rétracter quelques jours plus tard en déclarant être fier du film. "C'est un miracle que Max Payne ait pu atteindre le grand écran, expliquait-il. On pourrait faire un livre sur le chemin périlleux emprunté par le projet, jalonné par différents studios, scripts, et même procès".




Cel-shading, l'incroyable vérité
J'ai beau avoir cherché des informations sur le cel-shading (ce fameux style graphique à l'aspect cartoon), je n'arrive toujours pas à analyser si les décors de Dragon Quest : l'Odyssée du Roi maudit, ou même ceux des Dragon Ball Z : Budokai utilisent ce procédé, ou s'il s'agit d'une 3D "normale". Même en fouillant bien sur Internet, tout porte à croire que seuls les personnages de ces jeux sont "cel-shadés" : en effet, eux seuls ont des contours noirs... Pourtant les personnages de The Legend of Zelda : the Wind Waker n'en ont pas non plus, or le jeu utilise le cel-shading ! Est-ce un choix d'appliquer un contour noir afin de créer un jeu au design "manga" ? Et les décors de ce Zelda sont-ils eux aussi en cel-shading ?
- Julien -

Vous avez vu juste : le cel-shading de Dragon Quest VIII et de la série Budokai ne s'applique en effet qu'aux personnages. The Wind Waker, de son côté, est entièrement cel-shadé : même ses décors bénéficient de ce rendu en aplats si particulier, qui émule l'apparence d'un dessin à la main (notons cependant que certains éléments, tels les explosions, les nuages ou le brouillard sont en 2D). Quant à l'absence de contours noirs, c'est un choix qui accroît l'homogénéité, la clarté et la douceur de la direction artistique. Six ans après sa sortie, The Wind Waker n'a d'ailleurs pas, visuellement, pris une seule ride.




Mirror's Edge : une affaire de point de vue
Vite un sac ! Mirror's Edge me donne la nausée. Vous dites dans le JVM n°97 : "La vue subjective donne le vertige, mais elle reste efficace et précise". Pourtant, moi qui ait le mal de mer dès qu'il faut monter un escalier en colimaçon ou utiliser une batterie anti-aérienne pour dessouder des moucherons en plein vol, je regrette l'absence d'une vue à la troisième personne dans ce jeu ! On a l'impression d'être sur coussin d'air, il faut aller vite, très vite, trop vite, c'est une course sous acides !
- PatCap -


Rester concentré sur le point fixe situé au milieu de l'écran est censé vous épargner la nausée, mais nous reconnaissons avoir eu un léger mal de crâne pendant le dernier niveau du jeu. Ceci dit, la vue optionnelle à la troisième personne que vous suggérez dénaturerait totalement Mirror's Edge. Les sensations uniques et grisantes que procure le jeu se fondent justement sur la vue subjective, et sur l'utilisation inhabituellement réaliste qui en est faite : représentation intégrale du corps de l'héroïne, animations convaincantes des bras et des jambes, bruit de la respiration, des pas ou du pantalon qui frotte le sol lors d'une glissade, prise en compte de l'élan... Grâce à la vue subjective et à ces nombreux détails, le joueur a constamment l'impression d'incarner Faith. Une vue à la troisième personne ruinerait cet effet.