Portrait : Henry Jenkins, universitaire
Article paru dans le n°1 de Gaming (novembre 2003)
 

Défenseur éclairé du jeu vidéo, analyste et promoteur de ses aspects les plus avant-gardistes, l'américain Henry Jenkins est l'un des premiers universitaires à s'être intéressé au medium.


Depuis 2001, le monde universitaire –notamment dans les pays nordiques et anglo-saxons- commence à considérer le jeu vidéo comme un objet d'étude valide. Les conférences dédiées, les sites de recherche, les collaborations entre chercheurs et pros du jeu se multiplient. Directeur du département d'études comparatives de média au Massachusetts Institute of Technology (MIT), expert de la culture populaire du XXème siècle, l'américain Henry Jenkins est probablement le plus médiatique et actif de ces évangélistes du dixième art.

Passionné par le jeu vidéo depuis sa découverte, à la fin des années 80, des versions NES de Mario et Zelda –"avec Miyamoto, les jeux vidéo ont dépassé le stade de la simple expérimentation technique pour devenir une forme d'art qui vit et respire"-, il a, depuis, beaucoup écrit sur le sujet. Jenkins a, par exemple, établi des comparaisons stimulantes entre le jeu vidéo et les autres formes d'art (cinéma et architecture notamment), exploré le rapport des femmes au jeu vidéo, les conséquences sociales, créatives, commerciales de la masculinité globale du milieu...

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Rigueur, densité, transversalité, accessibilité : la pensée de Jenkins est la meilleure arme contre les préjugés et la paranoïa délétères qui, après la fusillade de Littleton d'avril 99 (deux lycéens armés tuèrent douze de leurs camarades et un professeur avant de se suicider), ont à nouveau envahi une conscience collective yankee très encline à faire du jeu vidéo un bouc-émissaire. Après avoir été invité à témoigner, devant un Congrès US très obtus et agressif, sur "l'impact de la violence interactive sur les enfants", Jenkins a écrit des essais (dont une analyse brillante, édifiante et engagée de l'atmosphère de chasse aux sorcières post-Littleton) à l'intention des enseignants, les invitant à conduire des débats avec leurs élèves sur leur rapport à la pop culture.

En 2001, Jenkins organise des séminaires chez Electronic Arts –"ils m'ont dit que cela a eu un impact sur les jeux qu'ils ont commercialisé ces dernières années"-, puis co-fonde le programme "The education arcade" du MIT (alors appelé "Games-to-teach"), sponsorisé par Microsoft et qui vise à mettre en valeur le potentiel éducatif du jeu vidéo. "Entre autres activités, nous avons terminé, en 2002, deux prototypes jouables actuellement testés par des étudiants, dont Supercharged !, un jeu de course PC en 3D où l'on se propulse en utilisant les propriétés de l'électromagnétisme. Nous travaillons sur un jeu multiplayer fondé sur le moteur de Neverwinter Nights et qui se déroule durant la révolution américaine. Et nous allons tenir un sommet à l'E3 en 2004, qui réunira des game designers, des professeurs, des éditeurs de manuels, etc pour faire passer le jeu éducatif à une étape supérieure".